Méthodes Agiles : quels impacts sur le pouvoir du manager ?

Depuis 5 ou 6 ans le succès des méthodes agiles en général et de scrum en particulier est indéniable. De plus en plus d’entreprises, au-delà de projets pionniers, passent maintenant au stade de la généralisation des bonnes pratiques dans toute l’organisation tant les bénéfices attendus s’avèrent bien réels dans une majorité de cas.

Ce résultat est d’autant plus remarquable que les 12 principes du manifeste agile sont rarement, voire jamais complètement appliqués ! Question d’analyse de risque et d’adaptation à chaque contexte, mais au moins la prise de conscience a remplacé l’ignorance de certaines réalités et c’est déjà un grand pas en avant.

 

Alors la réponse à la question « agile : mode ou vague de fond ? » semble facile, évidente même. Oui, il s’agit bien d’une avancée majeure et novatrice dans le domaine des méthodes et des outils de pilotage des projets de développement et il est très improbable que l’on revienne en arrière de ce point de vue. L’effet mode, malgré tout bien présent ces dernières années, est en fait soutenu par des fondamentaux très concrets :

  • d’une part l’agile en réalité a plus de 20 ans et ses concepts ont fait leurs preuves sur des milliers de projets, faisant évoluer et améliorer constamment les pratiques;
  • d’autre part les raisons même qui ont amené la création de ces méthodes et principes, à savoir le constat de l’échec d’une majorité de projets informatiques, part d’une analyse très pertinente des causes,
  • et enfin peut-être le plus important, l’incertitude croissante du contexte économique de chaque organisation, donc l’évolution permanente de ses besoins et de ses priorités, nécessite une grande capacité d’adaptation à de nombreux aléas en cours de projet.

 

Mais la mise en œuvre généralisée du cadre agile impose à coup sûr une profonde révision de la culture du management dans les organisations préalablement très hiérarchisées. Et de ce point de vue cela ne va pas sans risque et incompréhension de l’encadrement en place tant le changement de posture managériale impose à première vue d’opérer un virage à 180°.

S’il est vrai que les valeurs managériales sont radicalement différentes dans l’approche agile, les objectifs du management restent parfaitement identiques au passé, tournés vers l’amélioration de la productivité des collaborateurs. Et si l’amélioration de leur satisfaction au travail en est le meilleur moyen, tant mieux pour tout le monde !

 

Reste la question des pouvoirs du manager, l’organisation agile brillant en théorie par l’absence de pouvoir hiérarchique, condition indispensable de la responsabilisation de chacun. On mesure ici une des difficultés majeures de la transition agile. Comment la réussir alors que les manager en place risquent de la vivre comme une sorte de déclassement et donc ne pas la soutenir ? Sur la base de mon expérience, cette question m’amène à proposer la réflexion et le début de réponse suivants.

 

Tout d’abord il est important que les manager prennent conscience qu’ils disposent non pas d’un seul pouvoir mais de trois :

  • le pouvoir hiérarchique, lié à leur statut
  • le pouvoir de référence, lié à leurs compétences
  • le pouvoir de leadership, lié à leur charisme

Dans les organisations très hiérarchisées, c’est dans cet ordre que sont généralement utilisés ces pouvoirs et aussi dans cet ordre qu’un nouvel embauché pourra les observer au fil de son intégration (ne lui remet-on pas un organigramme dès son 1er jour… alors qu’il lui faudra plus de temps pour détecter les compétences réelles des uns et des autres et encore un peu plus pour repérer les leader).

 

Partant de cela il me semble que la transition agile peut s’envisager, du point de vue des pouvoirs du manager, en expliquant qu’il s’agit d’inverser leur ordre de prépondérance. Ainsi le manager agile saura privilégier son pouvoir charismatique, puis ses compétences métiers et en dernier recours seulement son pouvoir statutaire.

 

D’ailleurs avant même de parler de management agile, le « bon » manager (celui avec lequel on a généralement envie de travailler) était déjà reconnu en tant que tel par ces collaborateurs par son usage « intelligent » du pouvoir, sa capacité d’écoute, de dialogue, et finalement de motivation des équipes. Car c’est bien le charisme et la compétence qui confèrent une réelle autorité et l’adhésion des équipes, alors que le statut amène parfois à franchir la ligne jaune de l’autoritarisme, avec un risque fort de désertion des collaborateurs.

 

En définitive la doctrine agile, en proposant d’aller jusqu’à supprimer le pouvoir hiérarchique, oblige les manager à l’usage des bonnes pratiques induites. Certains s’en verront confortés, d’autres devront s’améliorer ou se remettre en cause, mais la transition agile se fera aussi au bénéfice du management qui saura l’animer et non pas la craindre.

 

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